Cultures Les maladies en embuscade
Les parcelles sont plutôt belles pour l’instant et augurent une moisson correcte. La vigilance est toutefois de mise vis-à-vis des maladies.
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A lors que tout le monde s’attendait à une montaison précoce en 2016, à la suite d’un automne et d’un hiver très doux, le mois de mars froid, venteux et pluvieux est venu contredire ces pronostics. Les plantes qui étaient déjà très développées en janvier ont en effet vu leur croissance ralentir. Dans la moitié nord de la France, l’avance de stade a ainsi fondu comme neige au soleil et s’est réduite à une semaine tout au plus. On est parfois même revenu à une année normale.
Toutefois dans le Sud, les cultures d’hiver ont encore 15 à 20 jours d’avance, notamment pour les blés durs grâce aux pluies qui ont fait du bien aux plantes en cours de montaison. Les craintes d’un gel brutal se sont donc envolées et la plaine est plutôt belle… pour l’instant. En tout cas, toutes les bases sont là pour espérer une bonne moisson dans la plupart des régions.
Les orges d’hiver et les escourgeons sont bien implantés et ont un bon développement végétatif. Mais la pluie et le temps frais sont favorables au développement de la rhynchosporiose, pour laquelle il faudra être vigilant. L’helminthosporiose est aussi bien installée.
Mais la problématique de l’année, c’est la forte présence de JNO (jaunisse nanisante de l’orge) : l’automne doux a favorisé le vol des pucerons vecteurs de virose et des foyers circulaires sont observés en Champagne-Ardenne, Hauts-de-France, Pays de la Loire…, même dans les parcelles traitées au Gaucho ou avec un insecticide foliaire. La protection avec un traitement de semences peut s’étendre jusqu’au stade 4-5 feuilles environ, mais elle n’est pas totale face à des infestations tardives.
Les parcelles de blé sont très belles également, à part dans quelques parcelles hydromorphes ennoyées. La plupart des cultures sont entre 1 et 2 nœuds, début de sensibilité aux maladies, mais on observe de grandes disparités entre parcelles selon les dates de semis, les variétés et les types de sol. Beaucoup de parcelles ont été désherbées à l’automne, avec plus ou moins de succès. Certains rattrapages sur adventices déjà développées viennent tout juste d’être réalisés ou vont seulement l’être, les fenêtres de tir étant rares en raison du temps pluvieux et du vent. Les apports d’azote ont été plutôt bien valorisés. Le risque de verse est très important dans bon nombre de champs.
Symptômes de JNO
Le danger vient aussi de la pression des maladies. L’inoculum est souvent très important du fait des conditions douces de l’automne et de l’hiver. Et l’alternance de pluies régulières et de soleil est l’un des facteurs de risque importants pour le développement des champignons.
Du piétin verse est observé dans certaines régions comme dans les Hauts-de-France, où la situation est comparable à celle de 2001. Quant à la septoriose, elle est déjà bien présente un peu partout en France. Le pied de cuve devrait bientôt s’exprimer, au dire des modèles de prévision, et les traitements ont commencé dans certains cas de figure.
La rouille jaune reste pour l’instant assez circonscrite : la baisse des températures du mois de mars a donné un coup de frein à la progression des foyers qui avaient été identifiés parfois dès le mois de janvier. Mais la maladie reste à surveiller dès le radoucissement des températures dans les situations à risque, dans le nord et le centre de la France.
Dans le Sud-Ouest, la pression de la rouille brune est forte. Les T1 ont été faits ou vont se terminer. Des symptômes de mosaïques sont observés sur les blés durs. Même chose dans les pays de la Loire.
Des foyers circulaires de blés atteints par la JNO sont également observés sur les semis précoces même traités au Gaucho. Et d’autres pourraient bien encore apparaître, les symptômes étant plus tardifs que sur orge. « On a peut-être arrêté de surveiller les pucerons via les tours à succion trop tôt », s’interroge-t-on en Champagne-Ardenne. Les rendements pourraient décrocher jusqu’à 20-25 q/ha. Certaines parcelles vont même être retournées, par exemple en Normandie.
Colzas en floraison
Les colzas sont également plutôt prometteurs et commencent ou finissent leur floraison, selon les régions. Le risque sclérotinia est important, le climat humide de 2016 étant plutôt favorable à la germination des sclérotes. De la cylindrosporiose est observée ça et là : il faut prendre en compte ce risque supplémentaire lors de la protection contre le sclérotinia. Des charançons de la tige ont été observés en Picardie ou dans le Sud-Ouest.
Mais ce qui fait le plus parler sur le terrain, ce sont les dégâts importants dus aux attaques d’altises et de charançons du bourgeon terminal dans de nombreuses zones de production. Certaines parcelles touchées ont été retournées (30 à 40 % en Picardie, par exemple), pour semer de l’orge de printemps. « Pour celles qui ne sont pas retournées mais atteintes, on ne sait pas ce que ça va donner. Elles végètent et prennent du retard », observe un opérateur qui explique que « les agriculteurs sont désemparés ». Il existe en effet peu de traitements efficaces (lire encadré). En Poitou-Charentes, ce ne sont pas les dégâts d’altises qui inquiètent le plus mais les problèmes d’orobanche qui s’étendent. « Il n’y a pas de solutions si ce n’est des variétés tolérantes, ou la remise en cause de la culture », confie un ingénieur de terrain.
Quant aux pois d’hiver, ils sont pénalisés par la bactériose en Champagne-Ardenne et en Bourgogne. Or il n’y a pas de traitement chimique efficace. Des symptômes d’anthracnose (ascochytose) sont également visibles.
Isabelle Escoffier et Céline FricottéPour accéder à l'ensembles nos offres :